Ces derniers temps, bon nombre de contribuables ont eu la désagréable surprise de recevoir dans leur courrier une demande de renseignements du Fisc visant à obtenir des informations relatives aux comptes bancaires ou aux revenus non déclarés qu’ils détiennent à l’étranger.  Lorsque la demande porte sur les comptes détenus à l’étranger, les destinataires de ce type de demande sont généralement invités à communiquer des informations extrêmement précises sur les comptes eux-mêmes (type de compte, date d’ouverture, identification des cotitulaires, etc.), mais également sur les transactions et les soldes ainsi que sur l’utilisation du ou des compte(s). De même, il leur est souvent demandé si le compte est utilisé dans le cadre de la gestion de biens immobiliers qui seraient détenus à l’étranger.

L’on assiste en réalité à une déferlante de demandes de ce type dont l’origine est à rechercher du côté de la réglementation dite « Common Reporting Standard » (Ci-après : CRS) qui a à présent atteint son régime de croisière et qui impose aux Etats de l’Union européenne notamment une obligation d’échange automatique de renseignements financiers entre Etats membres. Cette obligation s’étend à bien d’autres Etats et notamment des Etats à la réputation sulfureuse comme par exemple: le Liechtenstein, Saint-Marin, Andorre, Monaco, la Suisse, etc. Dans le cadre de cette réglementation, il appartient aux institutions financières de chaque Etat concerné de communiquer annuellement à leur administration fiscale respective les renseignements visés par la norme CRS, à charge pour chacune d’entre elles de transférer ces mêmes renseignements à l’administration fiscale de l’Etat où est établie la résidence fiscale du titulaire de compte.

L’on constate que dans ce type de demandes de renseignements, le Fisc vise généralement une série d’articles du Code des impôts sur les revenus qui renvoient à des délais d’investigation bien particuliers. Rappelons à cet égard que l’Administration fiscale dispose d’un délai ordinaire de 18 mois à dater du 1er janvier de l’exercice d’imposition pour enrôler l’impôt sur base des revenus déclarés. En cas d’absence de déclaration, de remise tardive ou de déclaration laissant apparaitre que l’impôt est supérieur à ce qui a été déclaré, l’Administration dispose d’un délai de trois ans à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition pour mener des investigations et établir l’impôt ou le supplément d’impôt. C’est le délai spécial d’imposition de trois ans. Ce délai est toutefois porté à sept ans en présence d’indices de fraude fiscale.

Mais il existe d’autres délais qui permettent à l’administration fiscale d’enrôler l’impôt même après l’expiration des délais cités ci-dessus. Parmi ceux-ci figure précisément le délai spécial afférent aux revenus étrangers non déclarés.  Ainsi, lorsque des informations provenant de l’étranger ou lorsque le contrôle effectué suite à l’obtention de ces informations venues de l’étranger révèle des revenus imposables qui n’ont pas été déclarés en Belgique au cours d’une des cinq années (sept années en cas d’intention frauduleuse) qui précédent celle pendant laquelle les informations sont venues à la connaissance de l’administration fiscale, cette dernière est encore en droit d’enrôler l’impôt dans un délai de vingt-quatre mois. Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple de M. Dupont qui dispose de revenus non déclarés en Suisse dont l’administration fiscale a pu prendre connaissance le 25 juin 2020 grâce à une information communiquée par les autorités suisses. Dans ce cas, l’administration fiscale peut encore mener des investigations et rectifier la situation de M. Dupont pour les années 2015 à 2019, sachant que le délai d’imposition expirera le 25 juin 2022.

Ainsi, en fonction des circonstances, l’administration fiscale peut faire application de délais d’investigation et d’enrôlement à géométrie variable.  Dans la pratique, en matière de demande de renseignements portant sur des comptes ou des revenus étrangers non déclarés, elle applique simultanément plusieurs délais d’investigations. A charge pour le contribuable concerné de réaliser à son tour un travail de vérification afin de s’assurer que l’administration fiscale est bien en droit de faire application d’un tel délai plutôt qu’un autre.

Rafaël Alvarez Campa

Avocat associé Everest Law

 

Chronique publiée dans La Libre Eco du 29 mai 2021