Nouvelles prérogatives du Fisc

 

En matière d’impôt sur les revenus, les rôles sont clairement répartis : il appartient au contribuable de déclarer annuellement ses revenus imposables (ainsi que ses comptes à l’étranger, ses assurances-vie conclues à l’étranger, etc.) tandis qu’il revient à l’administration fiscale d’enrôler et de recouvrer l’impôt. Il existe une présomption d’exactitude qui s’attache à la déclaration fiscale. Il en résulte que si l’administration entend admettre les revenus déclarés par le contribuable, elle établira l’impôt sur la base de ces mêmes revenus. Si elle estime en revanche devoir rectifier les revenus déclarés par le contribuable, elle établira l’impôt sur d’autres bases mais seulement après avoir pu établir l’inexactitude de la déclaration fiscale du contribuable.

 

Pour lui permettre d’assurer au mieux ses missions d’établissement de l’impôt et de contrôle, la loi a accordé à l’administration fiscale une série de pouvoirs d’investigations qui prennent des formes diverses : envoi de demandes de renseignements, examen des livres et documents, droit de visite domiciliaire, levée du « secret bancaire », etc.  Pour les contribuables qui recourent à un système informatisé ou à tout autre appareil électronique pour tenir, établir, adresser ou conserver, en tout ou en partie, leurs livres et documents, l’administration fiscale dispose du droit de requérir la communication des « dossiers d’analyse, de programmation et d’exploitation du système utilisé, ainsi que les supports d’information et toutes les données qu’ils contiennent ». Dans ce cadre, elle peut exiger que lui soit fournis «des copies, dans la forme que les agents souhaitent, de tout ou partie des données précitées, ainsi que les traitements informatiques jugés nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables».

 

Depuis le 10 juillet 2021, ses pouvoirs ont encore été étendus : à sa demande, les contribuables sont désormais tenus de mettre leurs livres et documents à sa disposition via une plateforme électronique sécurisée du SFP Finances. Il s’agissait notamment pour le législateur de clarifier la question de la communication des supports informatiques dès lors que, en présence d’une comptabilité informatisée, « l’administration doit pouvoir se faire une idée exacte de la conception du système, des flux d’information, du nombre, de la nature et du contenu des fichiers et des programmes, de la nature, de l’époque et de la périodicité des traitements, des états fournis par le système, des sécurités mises en place, etc (…) »  (Com IR 315bis/4). En soi, cette modification législative n’a rien de révolutionnaire puisque l’administration fiscale ne se privait pas de requérir, depuis déjà un certain temps, au travers de l’envoi de demandes de renseignements, la communication de données et de fichiers électroniques de tous genres. Toutefois, la mise en œuvre de cette nouvelle plateforme électronique sécurisée permettra à l’administration fiscale d’accélérer et de fluidifier la communication des données sans charges administratives importantes.

 

Cette  modification législative est surtout l’occasion de rappeler un principe clair :  l’administration fiscale doit en tout état de cause respecter les principes de proportionnalité et de finalité des pouvoirs d’investigation qui lui sont conférés par la loi.  Il lui appartient par ailleurs de faire usage de ces pouvoirs avec discernement et modération (Com. IR 316/2).  Dans la pratique, elle doit donc veiller à notifier au contribuable concerné les motifs de son contrôle et l’objectif précis de ses investigations sous peine de se livrer à de la « pêche aux informations » (« fishing expedition ») qui n’est pas tolérée. Soulignons enfin que la règle selon laquelle le contrôle doit être réalisé sans déplacement du contribuable reste de mise dans le contexte de la transmission des données informatiques, ce qui constitue un atout à la fois pour le contribuable, qui n’est pas tenu de se rendre dans les locaux du contrôleur, et pour l’administration fiscale qui reste dans sa logique de favoriser les échanges électroniques, a fortiori dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons actuellement.

 

 

Rafaël Alvarez Campa

Avocat associé Everest law

 

Article publié dans la Libre Eco du 18 septembre 2021