Voisine de grands pays européens, la Belgique a toujours su tirer son épingle du jeu en faisant preuve de créativité et d’imagination notamment en matière fiscale. Conscients que, face à tels concurrents directs, la Belgique devait lutter avec ses propres armes, gouvernements et législateurs successifs ont permis à la Belgique, grâce à l’adoption de mesures réfléchies et intelligentes, de rester dans le peloton de tête européen en termes d’investissements étrangers.  Malheureusement, il semble que tout ce qui constituait l’attrait de la Belgique pour les investisseurs étrangers soit peu à peu détricoté. Dernier exemple en date : la salve tirée récemment par le gouvernement contre le régime fiscal spécial, pourtant pérenne et efficace, pour les cadres étrangers qui a été mis en place en 1983 par une circulaire administrative.

En vertu de ce régime, les expatriés qui en bénéficient peuvent venir travailler en Belgique en bénéficiant d’une fiscalité relativement attrayante. Ainsi, moyennant respect d’une série de conditions, les expatriés concernés, bien que travaillant et vivant en Belgique parfois même avec leur famille, conservent leur résidence fiscale dans leur pays d’origine de sorte qu’ils ne sont imposés que sur leurs revenus privés et professionnels de source belge; la partie du salaire qui correspond aux jours de voyage et aux jours travaillés à l’étranger ainsi que les revenus privés étrangers restent  généralement imposables dans leur pays d’origine et sont exonérés d’impôts en Belgique.  Il en est de même pour une série d’indemnités qui leur sont attribuées par leurs employeurs en raison même de l’expatriation (indemnité de logement, indemnité de coût de la vie visant à effacer la différence du coût de la vie entre la Belgique et le pays d’origine, etc.). De telles indemnités sont exonérées d’impôts jusqu’à un plafond de 11.250 EUR ou 29.750 EUR par an. Le régime spécial prévoit également l’exonération d’autres dépenses effectuées par les employeurs pour les cadres comme celles qui sont liées au déménagement à l’arrivée en Belgique ainsi que celles liées au départ vers l’étranger. Coté sécurité sociale, les cotisations ne sont pas dues sur les indemnités exonérées d’impôts.

Le but de cette mesure en particulier était de favoriser les investissements des groupes étrangers en facilitant le transfert de cadres vers la Belgique dans un contexte où la fiscalité belge qui s’appliquait aux particuliers constituait un véritable repoussoir. Alors que rien n’a véritablement changé, le gouvernement fédéral a pourtant annoncé son intention de modifier ce régime (avant sa suppression ?) dans le sens d’une réduction de certains avantages et d’une limitation à son accès.

Si l’on en croit les premiers échos, partant du constat qu’il n’est actuellement prévu aucune limitation dans le temps, le gouvernement semble vouloir restreindre la durée pendant laquelle ce régime spécial peut être appliqué.  Il serait également question pour le gouvernement de revenir sur le maintien de la résidence fiscale étrangère des cadres étrangers de sorte qu’ils devront désormais déclarer tous leurs revenus -à tout le moins privés- belges et étrangers en Belgique et être imposés sur ceux-ci. Enfin, le gouvernement étudierait la possibilité de remplacer le mode de calcul de la rémunération imposable des cadres étrangers en ne distinguant plus les jours de travail en Belgique et les jours de travail/jours de voyage à l’étranger mais en appliquant un pourcentage forfaitaire de déduction.

Rien n’est encore gravé dans le marbre mais il est déjà acquis que la modification du régime spécial pour les cadres étrangers, telle qu’elle semble être actuellement envisagée par le gouvernement, et indépendamment des questions qu’elle ne manquera pas de susciter, serait un nouveau mauvais signal adressé aux investisseurs étrangers.

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Rafaël Alvarez Campa

Rafael.AlvarezCampa@everest-law.eu

Avocat associé Everest Law